8 avril 2016

cftcbpce sa: Peut-on licencier un salarié malade ?

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Il n’est pas, en principe, interdit à l’employeur de procéder à un remplacement en cascade (remplacement du salarié malade par un salarié de l’entreprise), mais il doit alors pourvoir au remplacement du remplaçant dans les mêmes conditions.



L’absence du salarié pour maladie ne peut en aucun cas justifier un licenciement. Cependant, dans certaines circonstances le licenciement devient possible.

  • Premier cas, lorsque la maladie ou l’accident devient un élément perturbateur. Ainsi, lorsque la maladie, d’origine non professionnelle, entraîne une absence longue du salarié ou des absences répétées, celles-ci peuvent constituer un motif réel et sérieux de rupture du contrat, sous réserve que la période de garantie d’emploi, éventuellement prévue par la convention collective, soit arrivée à son terme.

Pour être valable la lettre de licenciement doit expressément mentionner la perturbation du fonctionnement de l’entreprise (et non de l’établissement ou du service) et la nécessité du remplacement définitif de l’intéressé.

Perturbations de l’entreprise

  • Ce remplacement doit intervenir dans un délai raisonnable soit avant le licenciement, soit à une date proche de celui-ci. Le caractère raisonnable du délai est souverainement apprécié par les juges du fond (Cass. soc. 10 novembre 2004 n° 02-45.156). L’employeur supporte la charge de la preuve.

Le remplacement du salarié absent par un autre salarié embauché en contrat à durée déterminée (Cass. soc. 2 mars 2005 n° 03-42.800) ou en contrat de travail temporaire (Cass. soc. 13 mars 1991 n° 87-43.819) ne permet pas de légitimer le licenciement. En revanche, il n’est pas, en principe, interdit à l’employeur de procéder à un remplacement en cascade (remplacement du salarié malade par un salarié de l’entreprise), mais il doit alors pourvoir au remplacement du remplaçant dans les mêmes conditions, c’est-à-dire en recrutant en contrat à durée indéterminée (Cass. soc. 26 janvier 2011 n° 09-71.907).
Si l’employeur ne justifie pas de telles perturbations au sein de l’entreprise ou ne procède pas au remplacement du salarié malade, le licenciement du salarié absent sera considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse, mais ne sera pas nul (Cass. soc. 27 janvier 2016, n° 14-10.084).
  • Les demandes du salarié tendant à obtenir sa réintégration, ou la condamnation de la société au paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul seront donc rejetées. 
En revanche, si l’absence pour maladie est due à un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité (harcèlement moral ou, stress à raison d’une surcharge de travail par exemple), le licenciement fondé sur la perturbation occasionnée par les absences est nul (Cass. soc. 11 octobre 2006 n° 04-48.314).

Rupture pour inaptitude

  • Autre cas, lorsque le salarié est déclaré inapte à reprendre son poste par le médecin du travail : l’employeur doit alors rechercher à reclasser l’intéressé dans un autre emploi adapté à ses capacités, avant d’engager toute procédure de licenciement. Il doit prendre en compte les préconisations du médecin du travail, et si l’inaptitude est d’origine professionnelle, l’avis des délégués du personnel.

La Cour de cassation applique strictement cette obligation de reclassement. Elle a ainsi jugé, en matière d’inaptitude professionnelle, que l’avis d’inaptitude à tout emploi dans l’entreprise ne dispense pas l’employeur de rechercher les possibilités de reclassement du salarié au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail (Cass. soc. 15 octobre 2014, n° 13-23.099).
  • Ce n’est que si le reclassement est impossible, en raison de l’absence de poste disponible, dans l’entreprise et dans le groupe, ou parce que l’intéressé a refusé les propositions de l’employeur, que ce dernier peut rompre le contrat de travail.

Applicable uniquement à l’inaptitude professionnelle, ce qui est étonnant, la loi Rebsamen du 17 août 2015 prévoit de dispenser l’employeur de son obligation de reclassement et l’autorise à rompre le contrat de travail si l’avis du médecin mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé.
  • Cette évolution législative est cohérente. Tenu par une obligation de sécurité de résultat, l’employeur ne peut pas être astreint à une obligation de reclassement alors que le seul maintien dans l’entreprise est susceptible de nuire gravement à la santé du salarié.

Bruno Fieschi (Avocat associé)

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