11 février 2016

Infos Nationales: Un vrai faux accord sur le compte personnel d’activité?

Un vrai faux accord sur le compte personnel d’activité?

Au terme de deux mois de négociations sur le compte personnel d'activité (CPA), les partenaires sociaux sont parvenus, lundi 8 février au soir, à une conclusion mi-figue mi raisin. Ils ont élaboré non pas un accord national interprofessionnel (ANI), pouvant s'imposer à toutes les branches professionnelles, mais une "position commune" qui n'a pas de portée juridique contraignante et qui ne requiert pas que les signataires aient recueilli au moins 30% des voix aux élections professionnelles. Ce texte "a minima", selon la formule de plusieurs syndicalistes, doit encore être validé par les instances des différentes organisations avant d'être transmis à Myriam El Khomri, la ministre du travail, qui devrait l'intégrer dans le projet de loi qu'elle présentera au conseil des ministres du 9 mars. A l'exception de la CGT, les autres syndicats semblent prêts à le signer.
La "position commune" pose les jalons du CPA, qui fixe des droits attachés à la personne tout au long de son parcours professionnel quel que soit son statut. Pour François Hollande, il s'agit "la grande réforme sociale" de son quinquennat qui répond à une vieille revendication syndicale, présentée en termes différents par la CGT, la CFDT et la CFTC, visant à instaurer une sécurité sociale professionnelle. A compter du 1er janvier 2017, ce compte rassemblera, au moment de l'entrée dans le monde du travail, "les droits sociaux utiles pour sécuriser son parcours professionnel". "Accessible à toute personne quel que soit son statut", il prévoit une portabilité des droits tout au long de la carrière afin de renforcer "l'autonomie et la liberté d'action" des titulaires et lever "les freins à la mobilité" tels que des problèmes de logement ou de garde d'enfant.
Le texte souligne que le CPA "ne remet pas en cause les obligations légales des entreprises, notamment en matière de formation et de santé au travail". Sa mise en oeuvre "n'a pas vocation à modifier les modalités de financement mutualisé des droits garantis collectivement qui le constituent". La "position commune" arrête le principe d'un accompagnement global "portant sur l'ensemble des problématiques de sécurisation: projet professionnel, accès au logement, garde d'enfants". A ces fins, un "portail numérique" sera mis en place afin d'informer gratuitement les titulaires des droits dont ils sont crédités, aussi bien pour la formation que pour la pénibilité ou les allocations de chômage.
Deux dispositifs déjà mis en place par la loi - le compte personnel de formation (CPF) et le compte personnel de prévention de la pénibilité  (C3P) - seront intégrés dans le CPA dès le début 2017. Par ailleurs avant la fin du premier semestre, les signataires devront fixer une nouveau rendez-vous pour engager une réflexion sur "une simplification et une harmonisation des droits aux différents types de congés existants" et sur "la portabilité de ces droits et le cadre de sa mise en oeuvre".
Une forte incertitude pèse cependant sur l'avenir de cette position commune qui pourrait ainsi se transformer en vrai faux accord. Après avoir accepté, au début des négociations, de mettre sur la table le compte de prévention de la pénibilité, auquel il est très hostile, notamment pour ce qui concerne les branches du bâtiment et des travaux publics, le Medef avait fait marche arrière. Toutes les organisations syndicales avaient ensuite fait de la réintégration du C3P dans la corbeille du CPA un préalable à la poursuite des négociations. Le 8 février, le patronat a fait cette concession. Mais la partie est loin d'être gagnée. Dans un communiqué commun, le Medef, la CGPME et l'Union professionnelle artisanale (UPA) affirment, le 8 février, que "l'indication du C3P dans le texte du relevé de conclusion présenté ce jour ne peut pas être considéré comme une acceptation d'un dispositif qui reste, en l'état, impossible à mettre en oeuvre pour les entreprises". Elles ont voulu "montrer leur volonté d'avancer résolument dans le sens d'une réforme ambitieuse gagnante pour notre pays" mais attendent que la  (énième) mission en cours sur la pénibilité "permette de trouver réellement un atterrissage de ce dispositif toujours impraticable". Ce n'est que la semaine prochaine que le Medef, la CGPME et l'UPA prendront "une décision définitive".
Côté syndicats, une majorité semble prête à signer cet accord "à minima". Pour Véronique Descacq, secrétaire générale adjointe de la CFDT, la négociation "n'a pas accouché d'un gros bébé" mais le texte "laisse tout ouvert". Pour Stéphane Lardy (FO), la position commune permet d'envoyer "un message politique au gouvernement et aux parlementaires". Aux yeux de Joseph Thouvenel (CFTC), il s'agit d'un "texte nécessaire" même s'il "manque cruellement d'ambition". Franck Mikula (CFE-CGC) parle d'"un premier pas". Seule la CGT a adopté une position clairement négative en affirmant qu'"elle ne peut se satisfaire d'une position commune minimaliste sortie de négociations poussives". Réaffirmant son objectif d'instauration d'une sécurité sociale professionnelle, elle dénonce "une coquille vide qui ne donne même pas l'illusion de créer des droits virtuels". Le choix de la chef de délégation de la CGT, Catherine Perret, venue de l'enseignement, ne laissait pas augurer une autre issue. En décembre 2013, elle avait conduit la négociation sur la formation professionnelle et avait imposé sa volonté de non signature - fait inédit - à l'ensemble du bureau confédéral qui derrière Thierry Lepaon était pourtant unanimement favorable à une telle signature.
Si au final la "position commune" est signée par quatre syndicats et les trois organisations patronales - ce qui n'est pas acquis -, elle laissera une large marge d'appréciation à la ministre du travail. Myriam El Khomri ne sera pas liée par cet accord "a minima" comme elle l'aurait été par un accord national interprofessionnel. Elle pourra librement l'amender avant de l'intégrer dans sa loi. Le précédent connu est la "position commune" d'avril 2008 sur la représentativité syndicale, signée côté syndicats, par les seules CGT et CFDT qui avait donné naissance à la loi du 20 août 2008. Le gouvernement, et le législateur, avaient alors pris quelques libertés lors de la transposition du texte.

Notre AVIS:

Vous avez compris quelque chose,   

  NON, 

nous non plus !!!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire