8 février 2016

CFTC BPCE Sa: J'ai pris un coach pour faire craquer mon DRH


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Propos recueillis par Nathalie Samson, publié le , mis à jour à

A 60 ans, Arthur, cadre sup dans une multinationale, veut prendre sa retraite. Mais pas question de partir sans "sa part du gâteau". Il décide de prendre un coach. Bingo! Il empoche 250.000 euros grâce à "une stratégie reposant sur des bobards". Il raconte.

Je suis un heureux retraité depuis plus d'un an maintenant. Je suis d'autant plus content que je suis parti avec un petit pactole... Je m'étais toujours dit que je ne quitterais pas le groupe sans ma part du gâteau. Partir avec un chèque était pour moi un dû, compte tenu de l'argent qui circulait et du comportement désinvolte des dirigeants. J'ai dit à mes enfants que c'était mon dernier challenge : je ne pouvais pas le louper.
Je travaillais dans une multinationale réalisant plusieurs milliards de CA en tant que responsable Asie et Amérique depuis quinze ans, quand j'ai décidé de jeter l'éponge. Au début, tout allait bien pour moi. Je voyageais beaucoup, toujours en business, dans les grands hôtels... Mais les actionnaires ont changé et du jour au lendemain, on m'a dit : pas plus de 300 euros l'hôtel. J'étais limité alors qu'eux menaient la grande vie.
Je trouvais les dirigeants dédaigneux: leurs conversations tournaient autour de leur dernière Ferrari. Ils avaient beaucoup d'argent, ne connaissaient pas grand-chose au business et se sont mis à faire des achats intempestifs. Il ont ainsi racheté une entreprise numéro 5 du secteur dans une zone dont je m'occupais. Je n'étais pas d'accord, mais j'ai dû restructurer toute l'équipe commerciale et marketing. De mon côté, j'avais une bonne piste en Asie pour racheter un groupe. J'ai attendu des mois et quand j'ai finalement eu le feu vert des actionnaires, ça nous est passé sous le nez. Un tiers de mon temps consistait à compiler des chiffres et gérer des tableurs Excel. Ca ne m'intéressait plus.
Le véritable fait déclencheur a été le décès brutal d'un collègue. J'avais 60 ans. Je suis allé voir le DRH groupe pour lui dire que j'aimerais prendre ma retraite mais pas sans rien. Il m'a proposé trois mois de salaire plus quelques petits trucs à côté. Insuffisant.

"Le produit que tu vends aujourd'hui, c'est toi-même"

Après ce rendez-vous, je me suis retrouvé démuni pendant quelques semaines. C'est alors que j'ai trouvé sur Internet un cabinet spécialisé dans les négociations, avec des bonnes références. Lors du premier rendez-vous, ils m'ont assuré que je devrais pouvoir récupérer entre 200 et 300 K€, soit 15 à 18 mois de salaire. "Mais, m'ont-il, vous avez mal démarré. Il aurait fallu monter une stratégie et ne pas leur dire de manière benoite : je veux partir. Un départ, ça se prépare!" Ils m'ont demandé un chèque de caution de 9.000 euros et m'ont fait signer un contrat. Malgré le coût, j'ai foncé... Je me suis dit: mon petit père, tu as été habitué à vendre des produits, des entreprises. Mais le produit que tu vends aujourd'hui, c'est toi-même ! Et ça, tu ne sais pas faire. En échange des services d'un coach, le cabinet prend 14% HT du montant de la transaction, ce qui fait du 17% au total avec la TVA. Une fois rentré chez moi, je m'en suis voulu mais il était trop tard. D'habitude, dans une telle situation, j'utilise des artifices : je prétends ne pas avoir mon carnet de chèques... Mais là, bêtement, je l'ai sorti et j'ai signé. J'ai juste réussi à diminuer le seuil à 5.000 euros.  

Une stratégie qui repose sur des bobards

Lors du 2ème rendez-vous, on a défini comment les faire craquer. Il fallait leur faire comprendre que j'allais leur poser des difficultés et que ça se monnayait de me faire taire. Ca ne m'a pas convaincu. Je leur ai dit que j'avais changé d'avis. Ils m'ont répondu: les 9000 euros sont perdus. Alors, j'ai continué... et j'ai fait comme ils ont dit. J'ai raconté des bobards et joué sur la corde sensible. 
Au bureau, j'ai changé de discours du jour au lendemain. J'ai dit au DRH que je n'avais plus du tout l'intention de partir en retraite. "Mon fils qui a un peu moins de 30 ans, a décidé de quitter sa société où il était bien au chaud pour monter une start-up, ai-je menti. Il a besoin de moyens financiers et du support de son père. Du coup, je vais rester neuf ans de plus, jusqu'à l'âge de 70 ans. Au salaire où je suis, ça fait 2,2 millions d'euros. Il va falloir que j'aille travailler avec lui de temps en temps, je vous demande donc de m'allouer des temps libres... sur mon temps de travail." C'est malin, hein! Mais ça n'a pas toujours été facile. C'était tellement gros. Il fallait que je fasse le malheureux... Ce n'était pas toujours évident. Sur le coup, le DRH m'a dit oui. Je lui ai demandé une confirmation écrite. Les semaines se sont écoulées... Mais rien ne se passait.

Bon sang, vous les voulez vos 200.000 euros ou pas?

Entre-temps, j'échangeais avec le coach de manière cryptée. J'avais un code pour ouvrir ses mails; il avait peur qu'un jour je me mélange les pinceaux...
Après deux mois, il m'a dit qu'il fallait brusquer les choses : "Tapez du poing sur la table et demandez-leur si c'est du lard ou du cochon!, m'a-t-il asséné. Bon sang, vous les voulez vos 200 Keuros ou pas?" Quand il me parlait comme cela, j'étais comme un petit garçon... C'était un jeu de rôles, mais là, j'ai eu du mal. J'avais l'habitude de tirer les ficelles. Pas cette fois.
Je répétais seul chez moi avant d'affronter le DRH. C'était tellement énorme. Pourtant, je sais faire des négociations. Mais là, le produit c'était moi. Et c'est beaucoup plus dur.
Je suis donc retourné voir le DRH et lui ai dit avec aplomb : "Tu m'as promis un truc, il faut me l'écrire car j'ai besoin d'aider mon fils. Et je ne peux pas le faire sans l'aval de mon groupe." Quelques jours plus tard, j'ai reçu un courrier dans lequel il me remerciait de mon approche "ouverte et transparente" mais concluait ma demande par une fin de non-recevoir. J'étais ravi. C'était ce que j'attendais.

Il faut que ça reste confidentiel

J'ai très vite repris rendez-vous avec lui et l'ai pressé de me proposer quelque chose. "Je ne peux pas rester dans ces conditions. Il faut casser la tirelire du groupe me concernant. Je dois aider mon fils." Je savais que c'était possible car six mois avant un collègue d'une autre division était parti avec 18 mois d'indemnités.
Il m'a répondu qu'il en avait parlé avec le CEO du groupe. Sur le principe, il n'était pas hostile mais il fallait que ça reste totalement confidentiel, de manière à ne pas créer de précédent. Il ne fallait pas de vagues. Ca se ferait via une transaction qui devrait rester totalement confidentielle.
J'ai donc signé un protocole d'accord dans lequel on me reproche d'être en désaccord avec la stratégie du groupe, de les décrédibiliser... Ils écrivent aussi que des collaborateurs se sont plaints de mon manque d'investissement personnel. Ce sont des arguties purement juridiques pour arriver à une transaction.
L'accord prévoit aussi une stratégie de communication interne et externe. En externe, c'était simple : c'est l'âge de la retraite sur les deux continents. Si des personnes du groupe m'interrogent, je dis que j'ai négocié mon téléphone, un dernier check-up, et trois mois d'indemnités retraite. Ils se doutent bien de quelque chose mais personne n'est au courant.

Un vrai jeu de rôle

En tout, l'affaire a duré un an. J'ai beaucoup voyagé, encore plus que d'habitude, pendant ces temps-là. Comme ça, je n'étais pas au siège. Quand je revenais, c'était un vrai jeu de rôles. Le DRH est un ami. Quand j'allais le voir, il était à plein dans son rôle et moi dans le mien. Le directeur de division à qui je rapportais directement faisait l'autruche : pour lui, c'était aux RH et aux juristes de gérer la chose. Il m'a juste dit une fois: "tu dois être vachement bien conseillé." J'étais en boucle: "il faut que j'aide mon fils". Quant au CEO du groupe, il ne m'en a jamais parlé. C'était du théâtre. Je savais bien qu'ils n'étaient pas dupes.
Finalement, je suis parti plus vite que prévu. J'ai été pris un peu de court. Je n'ai pas pu faire mon pot de départ comme prévu. Ca, ça m'a un peu préoccupé. Mon patron a organisé mon farewell avec une cinquantaine de personnes dans un bon restaurant parisien six mois plus tard, quand mon amertume, mes aigreurs étaient un peu passées. Chacun a fait un discours de circonstances, comme si de rien n'était. Je suis parti en excellent terme. C'est ça qui est fort : monter tout un scenario pour obtenir pas mal de sous tout de même et partir bons amis.
Je suis désormais très copain avec le DRH, on déjeune ensemble de temps à autres. Récemment, il m'a demandé des nouvelles de mon fils. Je lui ai répondu qu'il avait quitté sa start-up et retrouvé un boulot stable. Lui a été licencié depuis... et il a empoché presque 400.000 euros. Il m'a dit que j'aurais pu pousser le bouchon plus loin et obtenir 5 à 10% de plus. Au final, j'ai pris 250.000 euros nets d'impôt. Car je n'ai pas à les déclarer au fisc. Faire une grosse négociation pour en donner un tiers à l'Etat, ça n'avait absolument aucun intérêt ! Le coach m'a coûté 30.000 euros. Mais ça se justifie. Sans ce soutien, je ne crois pas que j'aurais été capable de mener la négociation. Il faut quand même énormément de culot

Notre avis:

Stratégie de cadre sup, négociant dans l'entre-soi !!

Pour les autres ;

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Un conseiller de salarié, c'est quoi ?  prochain article du blog.


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