16 février 2016

CFTC BPCE Sa: HATVP, Politiques, juges, lobbyistes... à l'heure de la transparence

challenges.fr

Par Antoine Izambard
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La Haute autorité pour la transparence de la vie publique, créée après l'affaire Cahuzac, a vu ses pouvoirs se renforcer sous la présidence de Jean-Louis Nadal. Et espère poursuivre dans cette voie. 

Jean-Louis Nadal, le président de la Haute autorité avec François Hollande le 7 janvier 2015. REMY DE LA MAUVINIERE / POOL / A
Il y a du mieux mais le système de contrôle est encore loin d'être parfait. C'est le message qu'a tenu à faire passer la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vient de publier son premier rapport d'activité
Créée en 2013 à la suite du scandale Cahuzac, la Haute autorité qui est chargée de contrôler les déclarations d'intérêts des élus, formule plusieurs propositions visant notamment à éviter de nouvelles affaires Cahuzac ou Thévenoud. Voici ce qu'il faut savoir de cet organe.

1. Son rôle

Créée en 2013 à la suite de l'affaire Cahuzac, la Haute Autorité est chargée de contrôler les déclarations d'intérêts des élus.
 Elle a comme prérogatives : la vérification de la situation fiscale des ministres, le contrôle des déclarations de patrimoine des membres du Gouvernement et du Parlement, le contrôle des intérêts de plusieurs milliers de déclarants, la publication sur son site internet ou en préfecture de plusieurs milliers de déclarations, le contrôle du pantouflage d’anciens ministres ou d’anciens élus locaux, ou encore les réponses aux demandes d’avis déontologiques de déclarants et d’institutions publiques.
Pour les parlementaires et principaux responsables exécutifs locaux, les déclarations sont consultables dans les préfectures par tout électeur du département, à condition de ne pas les divulguer, sous peine d'amende (45.000 euros). Chaque citoyen peut saisir la Haute autorité s'il soupçonne que l'une d'entre elles est mensongère ou inexacte. Ces "lanceurs d'alerte" bénéficient d'une protection. Les déclarations mensongères sont punies de 3 ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende (contre aucune peine de prison et 30.000 euros actuellement).
Les ministres, parlementaires, principaux responsables d'exécutifs locaux notamment doivent aussi remplir des déclarations d'activités et d'intérêts (dont les activités professionnelles rémunérées, activités de consultant, activités des conjoints, parents et enfants, etc.) remontant jusqu'à cinq ans avant leur prise de fonctions, publiées sur le site de la Haute autorité.
Celle-ci est une autorité administrative indépendante (AAI), dotée de pouvoirs d'auto-saisine et de contrôle ainsi que d'une autonomie budgétaire. Elle est présidée par l'ancien procureur général près la Cour de cassation, Jean-Louis Nadal, dont le mandat non renouvelable est de six ans.

2. Son bilan

Depuis sa création, la Haute Autorité a signalé à la justice plusieurs élus après avoir constaté des anomalies dans leurs déclarations. C'est notamment le cas des époux Balkany, de Serge Dassault, sénateur de Corbeil-Essonnes, de Yamina Benguigui, l'ancienne ministre déléguée à la Francophonie et surtout du député socialiste Thomas Thévenoud, éphémère secrétaire d'Etat au Commerce extérieur en 2014 et atteint de "phobie administrative". Nommé le 26 août 2014, celui-ci avait été contraint à démissionner 9 jours plus tard, après la révélation de ses "problèmes de conformité" fiscaux. La Direction générale des finances publiques a porté plainte contre lui le 1er juin 2015 pour fraude fiscale.

D'après le premier rapport d'activité de la Haute Autorité, "en tout, ce sont près de 18.000 déclarations (une même personne peut faire plusieurs déclarations, voir graphique ci-dessous) qui ont été reçues par la Hauteautorité" au cours de l'année 2014. Plus de 2.000 déclarations ont été rendues publiques.
En tout, ce sont trois ministres et une dizaine de parlementaires qui ont fait l'objet d'un signalement. A titre de comparaison, en 25 ans, l’ancienne commission pour la transparence de la vie politique n’avait elle transmis que 19 dossiers et aucun n’avait débouché sur une condamnation. Néanmoins, tous les cas ne sont pas identiques: ainsi le Secrétaire d'Etat chargé des Relations avec le Parlement, Jean-Marie Le Guen, a seulement fait l'objet d'une "appréciation" sur sa déclaration de patrimoine qui s'est réglé à l'amiable, l'intéressé acceptant de corriger les manquements mis en lumière par les sages. Mais la plupart des observations ont fait l'objet d'un signalement au procureur, comme le prévoit l'article 40 du code de procédure pénale.
Récemment, le député (MoDem) de la Réunion, Thierry Robert, a par exemple été autorisé à continuer d'exercer en parallèle ses fonctions dans plusieurs sociétés immobilières après un signalement de la Haute autorité au président de l'Assemblée Nationale et à l'ex ministre de la Justice Christiane Taubira.  
C'est donc à la justice qu'il revient désormais de poursuivre les investigations. Trois enquêtes préliminaires ont ainsi été ouvertes à l'encontre de parlementaires Les Républicains soupçonnés d'avoir détenu des comptes en Suisse.
Et la portée des décisions de la HATVP a également été confortée fin décembre par le Conseil d'Etat. Le juge des référés du Palais Royal a refusé "pour défaut d'urgence" de suspendre deux délibérations de la Haute Autorité relatives aux déclarations de situation patrimoniale de Jean-Marie et Marine Le Pen. Quelques jours plus tôt, la Haute Autorité avait annoncé avoir saisi le parquet financier des déclarations de patrimoine des Le Pen, en raison de la "sous-évaluation manifeste" de certains actifs. La présidente du Front national avait fait un recours auprès du Conseil d'État pour contester cette décision et son père avait dénoncé "le harcèlement des adversaires du gouvernement et de l'establishment".
Les Français sont en tous cas reconnaissant du travail de la Haute autorité. Un sondage YouGov pour le Huffington Post et iTélé publié en novembre 2014 à l'occasion de la mi-mandat de François Hollande faisait en effet de la HATVP la meilleure mesure prise depuis le début du quinquennat.

3. Des pouvoirs accrus

Le contrôle de la Haute autorité va de plus en plus loin. Pour la première fois en 2015, les collaborateurs des ministres et les membres des autorités administratives indépendantes ont été contrôlés par la Haute autorité. Et d’ici le premier semestre 2016, les déclarations d'intérêts des élus départementaux, communaux et des membres d’EPCI doivent aussi être publiées. "L'exercice de l'année dernière était hautement symbolique, mais purement déclaratif, a d'ailleurs récemment confié Jean-Louis Nadaldans un entretien au Monde. Rien ne permettait d'attester la véracité des déclarations. Là, pour la première fois, une autorité indépendante a vérifié les informations déclarées par les plus hauts responsables publics".
Mais le contrôle de la Haute autorité devrait aussi prochainement concerner d'autres personnes que le personnel politique. Le gouvernement a ainsi déposé à l'Assemblée nationale, le 17 juin dernier, une lettre rectificative au projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires. Si elle est définitivement adoptée, deux types d'agents publics seront concernés: certains agents des trois fonctions publiques (État, territoriale et hospitalière) "dont la position hiérarchique ou la nature des fonctions le justifie" et d'autres "en contact régulier avec les acteurs de la vie économique".
Un projet de loi organique déposé par le gouvernement au Sénat vise en plus à renforcer les règles déontologiques applicables aux magistrats de l'ordre judiciaire. Ce texte, adopté en première lecture par les sénateurs le 4 novembre dernier, instaure l'obligation pour tous les magistrats de l'ordre judiciaire, d'adresser une déclaration d'intérêts au président de leur juridiction ou au chef de parquet, dans les deux mois de leur installation. Les plus hauts magistrats de l'ordre judiciaire devront aussi déclarer leur situation patrimoniale à la Haute autorité.
Autre disposition en attente devant le Sénat, et qui pourrait marquer un véritable tournant: le droit pour la HATVP d'aller mettre son nez dans les affaires des Tribunaux de Commerce, exposés par nature à des conflits d'intérêts entre  affaires privées et  rôle judiciaire. Leurs Présidents seraient soumis à l'obligation de déclarer leurs intérêts. Et contraints de communiquer leurs éléments de patrimoine. 
Par rapport à ses débuts, la Haute autorité s'est aussi nettement rapprochée de l'administration fiscale. "Nous avons noué un partenariat privilégié avec le fisc, indique Jean-Louis Nadal. C'est essentiel, notamment pour détecter de possibles avoirs à l'étranger".

4. Ce qui pourrait changer

Dans son rapport d'activité la Haute autorité veut "permettre la pleine information du Président de la République et du Premier ministre en cas de difficulté dans la situation d'un membre du gouvernement ou d'une personne pressentie pour occuper une telle fonction". Le rapport propose aussi de "doter la Haute Autorité d'un droit de communication propre et lui donner accès aux applications de l'administration fiscale lui permettant de mener à bien ses contrôles".
Jean-Louis Nadal espère que la coordination avec le fisc pourra s'améliorer, afin d'accélérer le processus de vérification des déclarations. Et aimerait pouvoir accéder directement aux fichiers dont il a besoin. Comme il aime à le dire, en matière de lutte contre la corruption, "il faut que chaque wagon du train soit à sa place", et que l'exigence  "d'exemplarité" s'étende bien au-delà de la seule classe politique. 

A commencer par les lobbies. Il demande au gouvernement de créer un registre obligatoire où chaque représentant d’intérêts ferait régulièrement figurer ses activités de lobbying, préciserait les budgets qui y sont alloués - compris lorsque ce sont des avocats qui sont à la manœuvre - et les identités des personnes qui les conduisent. Ce registre serait alors contrôlé par la Haute autorité.
Notre avis:
Il est étonnant comme certains jours les actualités se télescope ( voir l'autre article de ce jour)

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