18 juin 2015

CFTC BPCE Sa: Infos Juridiques, L’indépendance ou l’authenticité d’un syndicat

REPRÉSENTATIVITÉ

Selon la Cour d’appel de Paris, le syndicat UNSA Lancry protection sécurité n’est pas représentatif car il n’est pas indépendant. Entretien avec Olivier Bichet, avocat du SNEPS CFTC, qui a démontré l’absence d’indépendance du syndicat contesté.

11/06/2015 Semaine Sociale Lamy, n°1681

L’indépendance ou l’authenticité d’un syndicat
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Et revoilà le critère d’indépendance. Déjà présent dans la loi du 11 février 1950 relative aux conventions collectives de travail, ce critère essentiel déterminant la représentativité des organisations syndicales a depuis souffert de l’ombre de la condition d’audience, portée aux nues par la loi du 20 août 2008. Dans un arrêt essentiel et promis à la Cour de cassation, la Cour d’appel de Paris rappelle l’évidence : « l’indépendance est, en effet, une condition fondamentale de l’aptitude d’un syndicat à représenter la collectivité des travailleurs. » Le syndicat UNSA Lancry protection sécurité l’a appris à ses dépens. À la demande du SNEPS CFTC, la Cour d’appel déshabille l’UNSA Lancry protection sécurité d’un de ses attributs fondamentaux en affirmant que « ce syndicat n’est donc pas représentatif ». Comment aboutit-elle à cette conclusion ? L’UNSA Lancry protection sécurité est-il encore un syndicat ? Quelles conséquences emportent une telle affirmation ? De belles questions posées par cette décision bien charpentée.
UNE CONDITION D’EXISTENCE
L’indépendance est en deuxième position des critères établissant la représentativité énumérés à l’article L. 2121-1 du Code du travail issu de la loi du 20 août 2008, après « le respect des valeurs républicaines ». Ces critères sont déterminants de la qualité du syndicat. L’indépendance vaut pour les organisations syndicales de salariés mais aussi d’employeurs, comme l’a indiqué le Conseil d’État (CE, 2 mars 2011, n° 313189).
De son côté, la Cour de cassation, dans un arrêt du 3 décembre 2002, a fondé l’appréciation de la représentativité à partir de deux piliers : l’indépendance et l’influence (Cass. soc., 3 déc. 2002, n° 01-60.729). Quelques années plus tard, à l’occasion d’une affaire FN police, la chambre mixte a eu l’occasion de préciser que l’indépendance du syndicat vaut aussi à l’égard d’un parti politique (Cass. ch. mixte, 10 avr. 1998, n° 97-17.870). Selon les auteurs du guide des élections professionnelles, cette jurisprudence n’a pas été remise en cause par la loi du 20 août 2008. Le respect de la condition d’indépendance « conditionne la possibilité pour une organisation de revendiquer à bon droit la qualité de syndicat : sans indépendance, une organisation ne peut prétendre être authentiquement un syndicat et défendre l’intérêt des salariés qu’elle a vocation à regrouper. Cette exigence d’indépendance est un élément essentiel de la liberté syndicale selon la convention n° 87 de l’OIT » (M-L. Morin, L. Pécaut-Rivolier, Y. Struillou, Le guide des élections professionnelles, Éd. Dalloz, 2e éd., n° 111.14).
LA CHARGE DE LA PREUVE
La charge de la preuve du défaut d’indépendance d’un syndicat pèse sur celui qui la conteste. En l’occurrence dans notre affaire, le SNEPS-CFTC a démontré avec succès que l’UNSA Lancry protection sécurité n’était pas représentative. Pour sa part, l’UNSA a apporté à la Cour d’appel des éléments jugés « pour la plupart ambigus, insuffisants » qui n’ont pas suffi à prouver son indépendance vis-à-vis de l’employeur. On relèvera que les succès électoraux du syndicat contesté qui a obtenu aux dernières élections professionnelles 67 % des voix dans le premier collège et 60 % dans le second ne sont pas nécessairement un signe d’indépendance vis-à-vis de l’employeur. En affirmant qu’il « ne suffit donc pas au syndicat UNSA Lancry protection sécurité de faire valoir son audience au sein de l’entreprise telle qu’elle découle des résultats électoraux […] pour établir sa représentativité », la Cour d’appel s’inscrit dans la lignée d’une jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. soc., 27 oct. 1982, n° 82-60.174).
La Cour d’appel s’en tient à la technique du faisceau d’indices. Parmi l’ensemble des éléments qui lui sont présentés, les juges parisiens font le tri entre des arguments pertinents et d’autres qui le sont moins. La Cour d’appel propose elle-même une synthèse de son analyse. Les manquements au principe d’indépendance résultent « des développements qui précèdent sur les circonstances de la grève du mois de novembre 2009 » [« lors du mouvement de grève antérieur de quelques semaines à la saisine du juge, des représentants du syndicat UNSA Lancry protection sécurité, opposés à la grève, ont eu un comportement pour le moins ambigu, notamment en relevant l’identité des grévistes et en remettant leur liste à un représentant de l’employeur »], l’assistance de l’employeur lors d’un entretien avec un salarié, la promotion à un poste de responsabilité du secrétaire général du syndicat qui a néanmoins conservé pendant plusieurs années ses mandats et ses responsabilités syndicales, la complaisance de l’employeur à l’égard de manquements dont ledit cadre secrétaire général du syndicat a pu être responsable en matière de respect des règles légales sur la durée du travail, étant encore observé qu’au contraire, plusieurs responsables du syndicat SNEPS-CFTC, critiques à l’égard du syndicat UNSA Lancry protection sécurité ont été l’objet d’une discrimination syndicale de la part de l’employeur. Il en résulte que « le syndicat SNEPS-CFTC démontre l’absence d’indépendance du syndicat UNSA Lancry protection sécurité ». CQFD
Réf. : CA Paris, Pôle 6, 2e ch., 4 juin 2015, n° 13/07945
Auteur : Françoise Champeaux

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