Un projet de réforme de l’inspection du travail, présenté mercredi en Conseil des ministres, va renforcer les pouvoirs des inspecteurs qui pourront notamment infliger des amendes aux entreprises, mais prévoit aussi une nouvelle organisation du travail décriée par une partie des agents. Le plan «ministère fort», présenté par le ministre du Travail Michel Sapin, devra passer par la voie législative dans le cadre d’un projet de loi sur la formation professionnelle et la démocratie sociale, attendu début 2014.
A l’heure actuelle, les inspecteurs qui constatent des infractions ne peuvent que recourir à la voie pénale. Or, environ la moitié des procédures sont classées sans suite et celles qui aboutissent requièrent en moyenne deux ans.
Le ministère souhaite donc que les agents puissent aussi imposer des sanctions financières et travaille avec le ministère de la Justice sur ce point. Il envisage également de recourir aux ordonnances pénales (procédures sans audience avec un juge au lieu de trois) pour accélérer les procédures.
Le projet de réforme vise également à élargir les pouvoirs des inspecteurs en matière de blocage de travaux. Aujourd’hui, seuls ceux dans le bâtiment peuvent être interrompus lorsqu’il existe des risques de chutes de hauteur (échaffaudages par exemple) ou des risques chimiques et liés à l’amiante, ce qui donne lieu à entre 6 000 et 10 000 décisions par an. Le ministère souhaite étendre cette capacité à tous les secteurs d’activité et à certains risques comme les risques électriques ou les machines non conformes.
Le projet prévoit également de transformer sur dix ans tous les postes d’agents de contrôle (1 493 agents aux pouvoirs plus limités que les inspecteurs) en postes d’inspecteurs (actuellement au nombre de 743). Un premier plan portant sur la transformation de 540 postes a déjà été lancé qui doit s’achever en 2015.

Limiter les priorités

Alors que certains syndicats s’inquiètent d’une réduction des effectifs, le ministère souligne que «le plan "ministère fort" ne porte pas en lui même une diminution des effectifs». Le projet de réforme, lancé dès juillet 2012 et qui devrait être opérationnel au printemps 2014, vise également à modifier «l’organisation collective» de l’inspection du travail.
C’est ce point qui cristallise l’opposition d’une partie des agents et des syndicats, qui craignent d’y perdre leur indépendance, et ont manifesté à plusieurs reprises contre le projet. Le plan prévoit en effet de créer des «Unités de contrôle», regroupant 8 à 12 agents qui devront rendre compte à un responsable désigné parmi eux. Ce projet se heurte à la «culture assez profonde d’autonomie» des inspecteurs, reconnaît-on au ministère, mais vise à donner «une dimension collective» à leur travail.
Le risque d’une perte d’indépendance est un «élément fantasmatique», assure le ministère. Dans le cadre de cette réforme, le ministère veut aussi limiter le nombre de priorités assignées aux agents (18 en 2013). Outre celles inhérentes à la fonction comme le respect du droit, il prévoit 3 axes principaux en 2014 : lutte contre le travail illégal, questions de santé-sécurité et accompagnement des négociations assorties de pénalités, comme l’égalité homme-femme.
Le projet prévoit aussi de créer des sections spécialisées : une unité au niveau régional de 3 à 12 agents chargés de lutter contre le travail illégal, une cellule d’experts sur les risques chimiques et amiante dans les régions et une petite équipe d’une dizaine d’inspecteurs, sorte de «GIGN de l’inspection du travail», pour les opérations d’envergure nationale.
Selon les dernières données disponibles, la France compte 2 236 agents de contrôle pour surveiller 1,82 million d’entreprises, soit un agent pour un peu plus de 8 000 salariés. En 2012, les agents ont effectué plus de 260 000 interventions qui ont débouché sur quelque 7 000 procédures pénales.